La résistance du papier face à la révolution digitale : zoom sur trois secteurs clés de l’imprimé

Les nouvelles technologies ont bouleversé le modèle économique de la publicité imprimée. Et malgré l’essor des médias digitaux, le papier continue de captiver une part significative du marché. Après avoir vu le secteur de la communication immobilière, nous nous demanderons dans cet article comment le rôle de ce support s’est transformé dans la publicité et face à quels enjeux il se trouve.

La publicité est mariée avec le papier depuis très longtemps. Théophraste Renaudot créa la première gazette française en 1631 et l’ouvrit à la publicité. La réclame se développa avec l’expansion de la presse quotidienne au XIXe siècle surtout à partir de la révolution de juillet 1830 qui libéra la presse d’une pesante tutelle gouvernementale.

Naissance des agences de publicité et essor de la publicité après la Seconde Guerre mondiale

Ainsi le développement de la publicité, dont les premières agences surgissent au début du XXe siècle, va de pair avec la liberté de la presse. Une notion qu’il faut ne pas oublier.
Avec le développement de la consommation, les investissements marketing, dont la publicité, se développent de manière exponentielle surtout après la Seconde Guerre mondiale.

La presse écrite, qui a perdu son monopole avec l’apparition de la radio en 1931, continue de capter une très grande part du marché en dépit de l’apparition des autres médias audio et télévisuels, environ encore 40 % du marché national à la fin du XXe siècle.

Évolution de la consommation et expansion de la pub

Parallèlement au développement de la presse gratuite, la publicité imprimée se massifie avec l’accès aux boîtes à lettres des particuliers et complète les revenus des sociétés d’adressage et de la Poste.
Le développement des grandes enseignes de distribution – Auchan, Carrefour, Monoprix, etc. – permet aux publicitaires de s’affranchir des médias traditionnels pour communiquer directement avec leur clientèle. C’est l’époque des rotativistes des années 1980-1990. La consommation papier-carton en France atteint son pic en 2000 avec 12 millions de tonnes dont la moitié à usage graphique (source planetoscope.com).

L’arrivée des NTIC : bouleversement du modèle économique de la publicité imprimée

L’introduction dans les années 2000 des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les fameuses NTIC, explose le modèle économique de la rencontre de l’offre avec le consommateur.
Désormais, les enseignes veulent et peuvent connaître leur client individuellement. C’est la constitution du big data du consommateur, qui permet de connaître ses goûts, ses préférences de consommation.
Certaines enseignes comme Colruyt en Belgique, l’un des premiers discounters d’Europe, vont même jusqu’à individualiser leur promotion commerciale grâce à l’apport des presses numériques qui permettent de faire correspondre le message publicitaire à l’adresse du consommateur.
J’ai assisté au démarrage de leur imprimerie à Halle près de Bruxelles en 2011. Une initiative qui me laisse perplexe quant à son extension à des marchés très populaires compte tenu du coût d’acheminement vers l’adresse identifiée ! Ces discounters (notamment Lidl ou Aldi) ont pris une large part de marché national aux dépens des hypermarchés au concept de masse-marketing dépassé.

Les prospectus face aux défis du Stop Pub et du Oui Pub

Puis s’est installée en France et dans les pays développés une réflexion écologique sur le recyclage des papiers imprimés, surtout à l’initiative des collectivités qui ne supportent plus financièrement le coût de la collecte de la promotion publicitaire imprimée.

Après l’instauration d’une taxe Eco-folio sur le produit papier, puis de l’autocollant Stop Pub, les pouvoirs publics veulent aujourd’hui imposer le Oui Pub, menaçant le principe même de la publicité mass-market, à savoir amener gratuitement l’information commerciale chez le consommateur, fondement existentiel de la grande distribution en France.

La publicité papier va-t-elle disparaître au profit d’une publicité digitale supposée moins polluante que le papier ? Les chiffres depuis vingt ans constatent la chute vertigineuse de la part presse papier et magazine dans le chiffre d’affaires de la publicité. Elle ne représente aujourd’hui plus que 20 % alors que la publicité digitale atteint 27 % des dépenses en publicité en 2015 (source statista.com). Un écart qui ne peut que s’amplifier à ce jour.

La résistance du papier démontrée dans l’étude sur l’autocollant Oui Pub

Pour les amoureux du papier, dont je fais partie, gardons la tête froide ! 
Une récente étude menée en mars 2023 par le groupe de conseil et d’achat média CoSpirit sur 1802 Français, dont plus de la moitié se situe dans les zones test du projet Oui Pub, montre que 55 % des personnes interrogées comptent poser l’autocollant Oui Pub afin de continuer à recevoir les catalogues. De plus, parmi ceux qui y résident dans l’une des zones de tests, 28% l’ont déjà apposé.

Bien sûr, nous devons garder une distance par rapport à ces résultats du fait de la modestie de l’échantillon et du conflit d’intérêt que suscite le fait que l’auteur de l’étude soit un acteur majeur de la communication catalogue.
Mais ce chiffre de 28 % est un indicateur de l’efficacité de la mesure pour l’annonceur et du bon sens populaire des consommateurs.
En effet, 15 % de la population française ont un pouvoir d’achat faible, et donc recherchent toutes les opportunités d’acheter à meilleur compte. Et la publicité promotionnelle s’adresse particulièrement à eux. Elle est facilement accessible grâce au papier, dont on connaît la qualité du confort de lecture et sa mise à disposition gratuite.

Ainsi, cet autocollant Oui Pub, loin de défavoriser le support papier, lui donne au contraire quatre fois plus d’efficacité de lecture, si le taux de 28% se maintient comme le prédit l’étude. Une efficacité qui séduira encore sans nul doute l’annonceur malgré le doublement du prix du papier en 2022, et d’une augmentation générale de 7% des prix d’impression, liée au prix de l’énergie, des encres et des plaques alu. Sans compter une diminution considérable de l’impact écologique de la production papier imprimé sur l’environnement.

Imprimés qualifiés et contrainte écologique : les nouvelles valeurs du papier

Les imprimeurs doivent s’adapter à cette nouvelle donne et adapter leur parc machine en conséquence. Car la publicité catalogue ou prospectus, sur support papier est et doit être de plus en plus sérielle, c’est-à-dire adaptée à des cibles plus restreintes, plus qualifiées.

La contrainte écologique, loin de desservir l’activité du papier, va au contraire lui donner une nouvelle valeur écologique et pourra tenir la comparaison avec le support numérique qui lui aussi devra prouver dans les jours proches sa capacité à limiter son impact encore largement inconnu à ce jour (voire camouflé !) sur l’environnement.